Le Boun Pimay
Le Pimay Ă©galement appelĂ©e « fĂȘte de lâeau » ou « fĂȘte du cinquiĂšme mois », est la fĂȘte du nouvel an laotien qui a lieu chaque avril. Elle coĂŻncide avec le moment le plus chaud de lâannĂ©e, peu avant le dĂ©but de la saison des pluies et le renouveau de la nature oĂč tout refleurit. Les premiĂšres averses de la saison apportent, de toute Ă©vidence, une vie nouvelle et une rĂ©jouissante poussĂ©e des plantes et des fleurs qui redonnent, Ă qui sait mieux, un reverdissement joyeux et bonifiant de l’environnement.
Nature aidant, chaque Ăąme Lao puise dans ce renouvellement de la nature et dans les rĂ©jouissances de la pĂ©riode du Pimay, un nouveau tonic et un nouvel Ă©tat d’Ăąme qui l’aide Ă confronter sa vie jusqu’au Pimay prochain.
Selon le calendrier lunaire, trois jours importants marque le nouvel an :
Le Sangkhan Pay
Le jour du “Sangkhan Pay”(dĂ©part du gĂ©nie de l’annĂ©e) qui correspond au dernier jour de l’An. Tout un chacun prend bien soin de nettoyer et d’astiquer sa demeure et en premier lieu l’autel des statues de Bouddha pour Ă©loigner les malheurs et les mauvais gĂ©nies, Nous n’oublions pas non plus de prier les statues de Bouddha et de les descendre de l’autel afin de permettre aux membres de la famille de les asperger et de les rafraichir avec de l’eau parfumĂ©.
 Le Mu Nao
Le deuxiĂšme jour appelĂ© “Mu-Nao” (jour intermĂ©diaire) est le jour sans annĂ©e, le jour noir oĂč tout travail est interdit et qui nâa pas dâĂ©quivalent dans autres calendriers : chinois, europĂ©en, arabe, … LĂ , on peut lĂ©gitimement faire ce quâon veut. On nettoiera sa maison pour la prĂ©parer au jour suivant, le premier jour de lâannĂ©e ou bien On choisit le deuxiĂšme jour pour ce grand rendez-vous de la fĂȘte des Stupas de sable : That Xay.
Afin de marquer une avance amoureuse ou les regards des Phousao, les Phoubao ne manquent jamais de participer, sur la demande de sa bien aimĂ©e, d’aller dans le village de celle-ci pour participer au transport du sable du MĂ©kong pour bĂątir des petits “That” (monticules de sable) dĂ©diĂ© au Grand gĂ©nie de lâeau le Phagna Nark, dans les pagodes et sur les bancs du MĂ©kong (on appelle cela Tob Pha Xay). Le stupa est sous forme de cĂŽne de sable saupoudrĂ© Ă la chaux blanche. Cette pratique symbolise le geste propitiatoire puisque chaque grain lave un pĂ©chĂ© et exauce un vĆu. Ces Thats de sable seront surmontĂ©s de fleurs et des banderoles de papier sur lesquelles sont dessinĂ©s huit figures dâanimaux reprĂ©sentant les gĂ©nies protecteurs ( pour beaucoup de gens, ils les confondent avec les signes zodiacaux car ils reprĂ©sentent aussi des animaux). Tout autour de sa base les gens complĂštent la dĂ©coration par des petits stupas. La lĂ©gende raconte que les femmes qui souhaitent avoir beaucoup dâenfants doivent rĂ©aliser le mĂȘme nombre de petits stupas selon leurs vĆux.
Et en les Ă©difiant, chacun demande au ciel la grĂące de vivre longtemps de belles journĂ©es fĂ©condes en joies et en richesses aussi nombreuses que les grains de sable qui les composent. Et bien sĂ»r, notre Phoubao prie que chaque grain de sable de ce MĂ©kong, mĂšre des eaux, aide Ă confirmer que sa bien-aimĂ©e l’aime pour toujours et que leur amour ne rencontre aucun obstacle.
Le Sangkhan Khun
Le 3iĂšme jour est le jour de lâan, le premier jour de la nouvelle annĂ©e, le jour appelĂ© “Sangkhan Khun” ( retour du gĂ©nie) Dans les temples, on arrose dâeau lustrale les effigies du Bouddha. Hommes, femmes sâinclinent devant elles et prient pour que lâannĂ©e nouvelle leur soit favorable en leur apportant santĂ©, richesse et bonheur. Jeune et vieux, en cette occasion, font des promesses et des vĆux pour lâannĂ©e qui commence et pour les vies Ă venir.
Dans les rues, “phoubao” et “phousao” (jeunes gens et jeunes filles) s’arrosent copieusement sous le louable prĂ©texte de se purifier. C’est dans une allĂ©gresse gĂ©nĂ©rale que les fĂȘtes rituelles sont cĂ©lĂ©brĂ©es en marge du Pimay dans tous les villages. Dans la plupart des foyers, gĂ©nĂ©ralement, les gens en profitent pour faire un bacii, et restent chez eux en famille pour fĂȘter la nouvelle annĂ©e en accueillant les visites familiales et amicales toute la journĂ©e.
Durant 3 jours, la vie s’arrĂȘte dans tout le pays : on sâasperge dâeau, on danse et on s’amuse. On se met Ă nettoyer sa maison afin de libĂ©rer les bons esprits de leur prison et on chasse les mauvais de ses murs. On lave et parfume les innombrables statues de Bouddha dans les maisons et dans les pagodes ; On procĂšde Ă©galement Ă des lĂąchers d’oiseaux et de poissons captifs. De par cet acte, on confirme son respect et sa compassion Ă toute forme de vie sur terre et on espĂšre ainsi attirer sur soi le mĂ©rite appelĂ© Boun.
Le lĂącher des animaux
âle lacher des animaux est une pratique ancestrale afin dâapporter la chance, le bonheur, la fortune. cette activitĂ© est pratiquĂ© presque tous les jours chez les lao. Mais la plupart des Lao bouddhistes le font Ă lâoccasion dâun jour sacrĂ©, comme le jour de pleine lune ou du 8e jour de la lune croissante, et plus particuliĂšrement durant les jours du Pi mai. Beaucoup de couples les achĂštent pour les remettre en libertĂ© tout en prononçant un voeu.
Lâhistoire orale raconte quâun jour un jeune bonze est allĂ© chez une voyante pour se faire prĂ©dire lâavenir. Celle-ci lui dit alors quâil allait mourir le lendemain. Sur le chemin du retour, le jeune bonze traverse une riziĂšre. Il vit des poissons dans une petite mare qui sâassĂ©chait. Il dĂ©cida alors de les transfĂ©rer dans une autre mare, plus profonde, dans laquelle ils pourraient vivre plus aisĂ©ment. Le lendemain le jeune moine ne mourut pas. Cet acte fi certainement faillir la prĂ©diction de la voyante.
Le bouche Ă oreille se faisant, Ă partir de ce jour, les gens re-lĂąchĂšrent des animaux dans lâespoir de contrer les mauvais prĂ©sages. De nos jours, encore les voyantes, en cas de mauvaises prĂ©dictions conseillent de libĂ©rer des animaux, afin dâĂ©viter le malheur et de favoriser la chance. Avant la cĂ©rĂ©monie, les libĂ©rations dâanimaux se font bĂ©nir par les bonzes.â (Saymongkhoune, le RĂ©novateur n°280 2004)
Le cĂ©rĂ©monial de lâeau
La fĂȘte de lâeau est historiquement lâoccasion pour les femmes (et seulement elles) dâasperger les hommes, façon de leur rappeler leur statut, leur force, et dâune certaine maniĂšre leur dominance.
Aujourdâhui, le rituel sâest dĂ©formĂ©, et tout le monde asperge tout le monde, et non seulement durant ces trois jours mais souvent 1 semaine avant. On assiste donc en fĂȘte Ă une sorte de guerre gĂ©nĂ©ralisĂ©e dans toute la ville oĂč tout un chacun sâarme de pistolet Ă eau de toutes les tailles, de tuyaux dâarrosage, de seaux dâeau… On se barbouille de charbon noir et de farine blanche, de peinture rouge, pour Ă©loigner les esprits.
Dans les temples, les fidĂšles aspergent d’eau lustrale les statues du Bouddha et lâeau qui a servi Ă cette ablution est considĂ©rĂ©e comme investie de vertus bĂ©nĂ©fiques. Sous prĂ©texte de purification, des arrosages populaires ont Ă©galement lieu dans la rue, quelquefois avec des variantes peu agrĂ©ables comme de l’eau teintĂ©e ou des dĂ©coctions malodorantes. Il est prudent ce jour-lĂ de sortir avec de vieux vĂȘtements, d’autant que la coutume veut que les jeunes filles lacĂšrent les chemises des hommes pour marquer le changement d’annĂ©e.
Le Pimay et le bouddhisme
La joie populaire ne supprime en rien les aspirations sacrĂ©es qui sont aussi Ă l’ordre du jour et qui sont aussi renouvelĂ© joyeusement Ă tous lors de cet important Ă©vĂšnement. En gĂ©nĂ©ral, la fĂȘte du nouvel an nâest pas une fĂȘte religieuse. Cependant, elle fait partie du cĂ©rĂ©monial bouddhique. Chez les Lao, comme toutes autres fĂȘtes populaires, le Pimay garde un caractĂšre profondĂ©ment spirituel et religieux.
En effet c’est la cĂ©rĂ©monie de “Sombat Somma” (cĂ©rĂ©monie de pardon) Ă nos parents. Cette cĂ©rĂ©monie rĂ©unit chaque annĂ©e tous nos frĂšres et soeurs et mĂȘme ceux qui vivent dans des contrĂ©es lointaines. Chacun des enfants ne manque jamais ce jour de revenir au bercail dans la maison parentale pour demander pardon aux parents et solliciter auprĂšs d’eux leurs bĂ©nĂ©dictions et les Ă©nergies nouvelles pour le reste de l’annĂ©e. La plupart des temps cette journĂ©e de retrouvaille sert de prĂ©texte Ă nos mĂšres de prĂ©parer les plats prĂ©fĂ©rĂ©s de tout un chacun d’entre nous.
Cette journĂ©e sacrĂ©e se termine immanquablement par une cĂ©rĂ©monie de “Sak Anicha” (priĂšre en faveur de ceux qui sont dĂ©cĂ©dĂ©s) qui est organisĂ©e au That oĂč sont conservĂ©s les cendres de nos parents et grands-parents. On asperge ainsi nos parents bien aimĂ©s avec du parfum et leur renouvelant ainsi notre amour et respect.
C’est Ă l’occasion de Pimay Lao que Boudha continue Ă nous inspirer et guider sur le bon chemin qui mĂšnera le peuple Lao au consolidation definitive de sa terre, Ă la perpĂ©tuation son histoire millĂ©naire et au rayonnement de sa culture. Que le Pimay de cette annĂ©e apporte Ă vous tous ainsi qu’Ă tous les ĂȘtres qui vous sont chers une bonne santĂ©, beaucoup de bonheur, de rĂ©ussite et de prospĂ©ritĂ©.
Pour nous rappeler de l’origine de cette somptueuse journĂ©e si colorĂ©e et si chĂšre dans notre chair et dans notre ame Lao, veuillez lire cette histoire de Tammabane Koumane qui est un classique des mythes et mythologies Lao.